1.Muséologie
1. La
muséologie comme l’étude des objets de musée/ comme qualificatif général
(susceptible de confusions)
·
Sens
commun
·
Etymologie
et histoire du mot : Ce qui vient à l’esprit : muséologie = étude/analyse du musée et muséographie = étude – description – des collections de musée (cf.
REINACH au 19ème siècle) (au même titre que ethnographie et
ethnologie).
2. La
muséologie comme l’étude des buts et de l’organisation des musées, ou comme
l’étude d’un certain nombre d’activités concernant la préservation et
l’utilisation du patrimoine culturel et naturel .
Georges
Henri Rivière, 1981, introduction
de la dernière année de son cours de muséologie à Paris IV:
« La
muséologie: une science appliquée,
la science du musée. Elle en étudie l'histoire et le rôle dans la société, les
formes spécifiques de recherche et de conservation physique, de présentation,
d'animation et de diffusion, d'organisation et de fonctionnement,
d'architecture neuve ou muséalisée, les sites reçus ou choisis, la typologie,
la déontologie » et
la
muséographie est « un corps de techniques et de pratiques, appliqués au
musée »
(La Muséologie selon G H Rivière, Dunod,
1989, p.84).
La
définition la plus classique, encore largement en vigueur (Gob, Fernandez,
Hernandez…)
3. La
muséologie comme l’étude de la « muséalité » / comme étude d’une
relation spécifique entre l’homme et la réalité
Une approche plus générale et
« scientifique »
-
Le
musée ne peut être l’objet de la muséologie
-
Un
objet stable : muséalité/rapport spécifique qui détermine la muséalité
Qu’est-ce que la muséalité : « Terme
proposé par le muséologue tchèque Zbyněk Stránský pour désigner la valeur culturelle ou la qualité d’une
(vraie) chose muséalisée. Si la vraie chose s’inscrit dans la réalité »,
Zbyneck Stransky:
« La muséologie est une discipline scientifique distincte et
indépendante dont l’objet de connaissance est une approche spécifique de
l’homme à la réalité, exprimée objectivement en des formes de musées variées au
cours de l’histoire, et qui sont une expression et un reflet partiel des
systèmes de la mémoire. La nature de la muséologie est celle d’une science
sociale ; elle se rattache à la sphère des disciplines scientifiques de
documentation de la mémoire, et contribue spécifiquement à la compréhension de
la société humaine » (1980)
« le musée n'est pas le but, mais le moyen. Je conçois donc le musée,
dans le cadre du système muséologique, comme une des formes possibles de la
réalisation de l'approche de l'homme à la réalité » (Iss, n°12, 1987, pp.294-295).
Qu’est ce que « la relation
spécifique de l’homme à la réalité » ? STRANSKY :
« pour moi, le critère décisif, c’est l’existence de cette appropriation
spécifique de la réalité, sous la forme de la conservation de ses éléments
authentiques ».
Une
approche néanmoins fondée sur un ensemble de valeurs
- Pas très éloignées du musée
- Un rapport de rétention
4. La
muséologie comme philosophie du muséal
« Le musée
est un moyen. Ce n'est pas une fin. Ses fins ont été clarifiées de différentes
façons. Elles comprennent l'intention de favoriser la perception de
l'interdépendance des mondes naturel, social et esthétique en offrant
information et expérience, et en facilitant la compréhension de soi grâce à ce
plus vaste contexte » (Judith Spielbauer ISS 12, 1987, p.281).
Le
muséal désigne le champ de référence
dans lequel se déroulent non seulement la création, le développement et le
fonctionnement de l’institution musée, mais aussi la réflexion sur ses
fondements et ses enjeux. Ce champ de référence se caractérise
par la spécificité de son approche et détermine un point de vue sur la réalité
(considérer une chose sous l’angle muséal, c’est par exemple se demander s’il
est possible de la conserver pour l’exposer à un public). (concepts clés)
- Un champ plus vaste que le musée
« classique »
- Origines, développements, enjeux
- Formes apparentées du musée ou musée
« virtuel »
La
muséologie peut ainsi être définie
comme l’ensemble des tentatives de théorisation ou de réflexion critique
portant sur le champ muséal, ou encore comme l’éthique ou la philosophie du
muséal. (concepts clés)
•
Un rapport spécifique à la réalité fondé sur:
–
La présentation sensible
–
La mise en marge de la réalité (muséalisation)
•
Un champ
(pluridimensionnel) théorique de référence – plusieurs plans:
–
Le patrimonial (séparer, protéger, transmettre)
–
La documentation visuelle (connaître, montrer)
Un champ de
recherche
« La muséologie est une philosophie du muséal investie de deux tâches :
1) elle sert de métathéorie à la
science documentaire intuitive concrète,
2) elle est aussi une éthique
régulatrice de toute institution chargée de gérer la fonction documentaire
intuitive concrète. »
Bernard Deloche, Le musée virtuel, Paris, PUF, p. 137.
Patrimoine/Heritage
1. Une définition fondée sur la transmission.
« Le patrimoine apparaît comme un bien reçu et à
transmettre, dont la propriété n’est pas exclusive d’une famille, mais
intéresse tout le groupe social. Il matérialise en quelque sorte un passé à
sauvegarder pour le présent et l’avenir » (Audrerie D., La Notion et la
protection du patrimoine, PUF, 1997, p. 6).
-
(1) transmission qui (2) dépasse une seule
personne ou la famille : le possesseur d’un bien n’en est pas
totalement possesseur.
-
Evolution :
(1) l’Eglise,
et les reliques qui échappent, parmi les premières, aux lois classiques de la
succession (la propriété de reliques ne peut, la plupart du temps, être privée)
puis
(2) la
royauté (certaines chartes, châteaux, trésors), puis
(3) un pays
dans son ensemble, à partir de la révolution française (et les vagues de
destruction) : « l’orgueil de voir un patrimoine de famille devenir
un patrimoine national ferait ce que n’a pu faire le patriotisme ») F.
Puthod de Maisonrouge, 1790), puis
(4) l’humanité
« Certains monuments d’art peuvent être classé comme patrimoine de
l’humanité » (Mouseion, 1931) : à partir de 1972 : convention du
patrimoine mondial (Unesco)
2. Une extension de la notion de patrimoine
« Peut être considéré comme patrimoine tout objet
ou ensemble, matériel ou immatériel, reconnu et approprié collectivement pour
sa valeur de témoignage et de mémoire historique et méritant d’être protégé,
conservé et mis en valeur » (R.Arpin (Dir.), Notre Patrimoine, un présent
du passé, 2000, p. 33)
« Le patrimoine se reconnaît au fait que sa perte
constitue un sacrifice et que sa conservation suppose des sacrifices »
(Babelon et Chastel, La notion de Patrimoine, La Revue de l’Art, 1980)
Evolution
(1) reliques,
chartes, domaines royaux (inaliénables depuis l’ordonnance de Moulins, en
1566), et monuments intentionnels. « Par monument, au sens le plus ancien et véritablement originel du
terme, on entend une œuvre créée de la main de l’homme et édifiée dans le but
précis de conserver toujours présent et vivant dans la conscience des
générations futures le souvenir de telle action ou telle destinée (ou des
combinaisons de l’une et de l’autre) » (Riegl, A. Le culte moderne des
monuments).
(2) Le
concept de monument historique
apparaît en 1790 (Aubin-Louis Millin, dans son recueil d’Antiquités
nationales), en // concept en Grande Bretagne. Riegl parle de Monuments
artistiques et historiques, comme toute œuvre qui possède, de manière
intentionnelle ou non, une
valeur artistique/historique. Ceci en // Révolution française et tout ce qui
est sujet à saccage : on ajoute les œuvres
d’art, et monuments historiques, immobiliers et mobiliers.
(3) Ouverture
vers tous les types de patrimoine : Patrimoine naturel, Patrimoine
industriel fin des années 50-60
(5)
"patrimoine
culturel immatériel" « les pratiques, représentations,
expressions, connaissances et savoir-faire - ainsi que les instruments, objets,
artefacts et espaces culturels qui leur sont associés - que les communautés,
les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant
partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis
de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et
groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de
leur histoire, et leur procure un sentiment d'identité et de continuité,
contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la
créativité humaine ».
Objet de Musée ou (muséalie), Chose (vraie)
Chose (angl. Thing, esp. Cosa). n. f. – La chose
(mot dérivé du latin causa, la cause)
désigne d’une manière générale une réalité appartenant à la vie et non produite
par l’homme. Le mot s’oppose à l’objet, en revanche, qui constitue une
spécification de la chose comme ce qui est posé par le sujet en face de lui et
différent de lui. La chose est en quelque sorte naturelle et appartient à un
réseau de relations spontanées de l’homme avec le monde qui l’entoure ;
son caractère est indéterminé. Le rapport que nous entretenons avec la chose
est soit un rapport de sympathie, notamment dans l’animisme des sociétés dites
primitives, soit un rapport d’ustensilité, comme c’est le cas de l’outil qui forme
le prolongement de la main. Par opposition à la chose, l’objet, coupé de la
vie, est toujours abstrait et mort, comme fermé sur lui-même. Dans cette
perspective, la vraie chose (voir ce terme traduit de real thing par André Desvallées, en
accord avec Duncan Cameron) constitue, en muséologie, la référence originale
presque mythique, antérieure aux diverses altérations qu’elle a pu subir en
devenant un objet. (Dictionnaire)
Un
objet de musée est une chose muséalisée, une chose pouvant être définie comme
toute espèce de réalité en général (concepts clés)
-
chose est prise dans le concret de la vie et que le rapport que nous
entretenons avec elle est un rapport de sympathie ou de symbiose.
-
l’objet est toujours ce que le sujet pose en face de lui comme distinct de
lui, il est donc ce qui est « en face » et différent. abstrait et mort,
comme fermé sur lui-même (concepts clés)
- Vraie : « real » ou « vraie », la notion
d’authenticité et d’originalité de l’objet
- inclut témoins matériels et concepts
« immatériels », tels la démonstration de l’attraction terrestre, le
mouvement de la terre (appelés kinétifacts), etc.
- real thing, une connotation émotive « ce qui vaut la peine d’être vécu » Coca-cola
est « the real thing »
- raison
profonde pour laquelle les gens viennent au musée : non pas apprendre des
connaissances ou obtenir des informations mais voir des objets agissant sur
les émotions : momies, dinosaures, éléphants, fétiches, mouvement de
la terre, décomposition d’un faisceau lumineux, vénus aurignacienne, Joconde,
navette spatiale, avions, etc.
-
discours scientifique,
-
a-scientifique,
-
Témoignage direct : la confrontation
Muséalisation
-
Selon le sens commun :
la mise au musée ou, de manière plus générale, la transformation en une sorte
de musée d’un foyer de vie.
-
« D’un point de vue plus
strictement muséologique, la muséalisation est l’opération tendant à extraire,
physiquement et conceptuellement, une chose de son milieu naturel ou culturel
d’origine et à lui donner un statut muséal, à la transformer en musealium ou
muséalie, « objet de musée », soit à la faire entrer dans le champ du
muséal » (concepts clés)
Le processus de muséalisation
ne consiste pas à prendre un objet pour le placer au sein de l’enceinte muséale
et de même, comme le résume Zbynĕk Stránský, un objet de musée n’est pas
seulement un objet dans un musée.
Un tigre dans un musée est un
tigre dans un musée et pas un tigre (Hudson)
-
à l’intérieur du musée,
témoin matériel et immatériel de l’homme et de son environnement
-
séparation
ou arrachement au contexte d’origine
-
l’objet devient substitut de
la réalité qu’il représente
-
une perte d’informations
-
Ce substitut complexe, ou
modèle de la réalité construit au sein du musée, constitue la muséalité, soit
une valeur spécifique se dégageant des choses muséalisées.
-
La muséalisation produit de
la muséalité, valeur documentant la réalité, mais qui ne constitue en aucun cas
la réalité elle-même.
L’acquisition comme dispositif scientifique
Georges Henri Rivière (1897-1985)
figure emblématique de la muséologie française
Le musée comme
laboratoire, la recherche au centre du dispositif
Recherches en
Aubrac :
•
1962 et 1986 (dernière publication).
•
interdisciplinaires : géographes, botanistes,
historiens, économistes, sociologues, ethnomusicologues, etc.
•
Lien très fort recherche, collecte, exposition.
•
Collecte menée à partir des synthèses :
acquisition de plusieurs unités écologiques
•
Restitution muséographique (moulage, repérages très
précis, etc)
Programmation de la galerie d’étude (‘72) et de la
galerie culturelle avec section Aubrac (ouverture en 1975)
Quels objets ? Pour
Z. Stransky : critère de muséalité, sur base rationnelle de leur valeur
documentaire de la réalité. Opposé à la subjectivité revendiquée par Bellaigue
et nouvelle muséologie (ou Szeemann : la subjectivité totale comme seule
base d’une objectivité réelle).
Critères Samdok (organisation documentant société
suédoise) : six critères : fréquence ; innovation ;
représentativité (d’une idée, valeur), attraction (appeal, associé à personne
ou événement important) ; domaine (lié physiquement à autre objets) ;
forme (esthétique).
Quelle part de l’objet ?
ou quelle couche d’information ? propriétés 1. structurelles
(matière,…) ; 2 fonctionnelles ?, 3. contexte ? 4.
signification ? Souvent structurel, muséalisation implique
défonctionnalisation. Ex. Collections zoologie : peau et squelette est
seulement gardé. Pas toujours besoin de préserver l’objet pour préserver
l’idée. Ex. le Japon et les temples ; la tradition africaine : tant
que vit l’artisan ; collection d’art conceptuel où on achète l’idée
La constitution d’une collection de musée à l’aune du
collectionnisme
•
Une procédure (plus ou moins objective)
•
Le conservateur n’est pas collectionneur, sinon pour
autrui
•
Quels risques
–
pour la collection?
–
pour le collectionneur?
Fonctions du musée
Joseph Veach Noble
•
acquisition, conservation, study, interpretation,
exhibition.
•
1970, Museum Manifesto
•
Suivi par Alexander, Burcaw, courant aux USA
•
ICOM: Le musée [….] acquiert, conserve, étudie, expose
et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité) (2007)
Modèle PRC
•
Preservation, Research, Communication
•
Reinwardt Academie (1983)
•
Maroevic, proche de Stransky (Sélection,
Thésaurisation, Présentation).
Prochain cours
Peter van Mensch, museology
and management
http://www.icom-portugal.org/multimedia/File/V%20Jornadas/rwa_publ_pvm_2004_1.pdf
Serge Chaumier,
Les ambivalences du devenir de l’écomusée
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pumus_1164-5385_2000_num_17_1_1157