samedi 15 octobre 2016

2. Concepts clés de la muséologie




1.Muséologie



1.    La muséologie comme l’étude des objets de musée/ comme qualificatif général (susceptible de confusions)

·         Sens commun
·         Etymologie et histoire du mot : Ce qui vient à l’esprit : muséologie = étude/analyse du musée et muséographie = étude – description – des collections de musée (cf. REINACH au 19ème siècle) (au même titre que ethnographie et ethnologie).

2.    La muséologie comme l’étude des buts et de l’organisation des musées, ou comme l’étude d’un certain nombre d’activités concernant la préservation et l’utilisation du patrimoine culturel et naturel .

Georges Henri Rivière, 1981, introduction de la dernière année de son cours de muséologie à Paris IV:
« La muséologie: une science appliquée, la science du musée. Elle en étudie l'histoire et le rôle dans la société, les formes spécifiques de recherche et de conservation physique, de présentation, d'animation et de diffusion, d'organisation et de fonctionnement, d'architecture neuve ou muséalisée, les sites reçus ou choisis, la typologie, la déontologie » et
la muséographie est « un corps de techniques et de pratiques, appliqués au musée »
(La Muséologie selon G H Rivière, Dunod, 1989, p.84).

La définition la plus classique, encore largement en vigueur (Gob, Fernandez, Hernandez…)

3.    La muséologie comme l’étude de la « muséalité » / comme étude d’une relation spécifique entre l’homme et la réalité

Une approche plus générale et « scientifique »

-       Le musée ne peut être l’objet de la muséologie
-       Un objet stable : muséalité/rapport spécifique qui détermine la muséalité

Qu’est-ce que la muséalité : « Terme proposé par le muséologue tchèque Zbyněk Stránský pour désigner la valeur culturelle ou la qualité d’une (vraie) chose muséalisée. Si la vraie chose s’inscrit dans la réalité »,

Zbyneck Stransky:
« La muséologie est une discipline scientifique distincte et indépendante dont l’objet de connaissance est une approche spécifique de l’homme à la réalité, exprimée objectivement en des formes de musées variées au cours de l’histoire, et qui sont une expression et un reflet partiel des systèmes de la mémoire. La nature de la muséologie est celle d’une science sociale ; elle se rattache à la sphère des disciplines scientifiques de documentation de la mémoire, et contribue spécifiquement à la compréhension de la société humaine » (1980)

« le musée n'est pas le but, mais le moyen. Je conçois donc le musée, dans le cadre du système muséologique, comme une des formes possibles de la réalisation de l'approche de l'homme à la réalité » (Iss, n°12, 1987, pp.294-295).

Qu’est ce que « la relation spécifique de l’homme à la réalité » ? STRANSKY : « pour moi, le critère décisif, c’est l’existence de cette appropriation spécifique de la réalité, sous la forme de la conservation de ses éléments authentiques ».

Une approche néanmoins fondée sur un ensemble de valeurs
-       Pas très éloignées du musée
-       Un rapport de rétention

4.    La muséologie comme philosophie du muséal

 « Le musée est un moyen. Ce n'est pas une fin. Ses fins ont été clarifiées de différentes façons. Elles comprennent l'intention de favoriser la perception de l'interdépendance des mondes naturel, social et esthétique en offrant information et expérience, et en facilitant la compréhension de soi grâce à ce plus vaste contexte » (Judith Spielbauer ISS 12, 1987, p.281).

Le muséal désigne le champ de référence dans lequel se déroulent non seulement la création, le développement et le fonctionnement de l’institution musée, mais aussi la réflexion sur ses fondements et ses enjeux. Ce champ de référence se caractérise par la spécificité de son approche et détermine un point de vue sur la réalité (considérer une chose sous l’angle muséal, c’est par exemple se demander s’il est possible de la conserver pour l’exposer à un public). (concepts clés)
-       Un champ plus vaste que le musée « classique »
-       Origines, développements, enjeux
-       Formes apparentées du musée ou musée « virtuel »

La muséologie peut ainsi être définie comme l’ensemble des tentatives de théorisation ou de réflexion critique portant sur le champ muséal, ou encore comme l’éthique ou la philosophie du muséal. (concepts clés)

         Un rapport spécifique à la réalité fondé sur:
        La présentation sensible
        La mise en marge de la réalité (muséalisation)
         Un champ (pluridimensionnel) théorique de référence – plusieurs plans:
        Le patrimonial (séparer, protéger, transmettre)
        La documentation visuelle (connaître, montrer)

Un champ de recherche

« La muséologie est une philosophie du muséal investie de deux tâches :
1) elle sert de métathéorie à la science documentaire intuitive concrète,
2) elle est aussi une éthique régulatrice de toute institution chargée de gérer la fonction documentaire intuitive concrète. »
Bernard Deloche, Le musée virtuel, Paris, PUF, p. 137.


 

Patrimoine/Heritage


1.    Une définition fondée sur la transmission.

« Le patrimoine apparaît comme un bien reçu et à transmettre, dont la propriété n’est pas exclusive d’une famille, mais intéresse tout le groupe social. Il matérialise en quelque sorte un passé à sauvegarder pour le présent et l’avenir » (Audrerie D., La Notion et la protection du patrimoine, PUF, 1997, p. 6).

-       (1) transmission qui (2) dépasse une seule personne ou la famille : le possesseur d’un bien n’en est pas totalement possesseur.

-       Evolution :
(1) l’Eglise, et les reliques qui échappent, parmi les premières, aux lois classiques de la succession (la propriété de reliques ne peut, la plupart du temps, être privée) puis
(2) la royauté (certaines chartes, châteaux, trésors), puis
(3) un pays dans son ensemble, à partir de la révolution française (et les vagues de destruction) : « l’orgueil de voir un patrimoine de famille devenir un patrimoine national ferait ce que n’a pu faire le patriotisme ») F. Puthod de Maisonrouge, 1790), puis
(4) l’humanité « Certains monuments d’art peuvent être classé comme patrimoine de l’humanité » (Mouseion, 1931) : à partir de 1972 : convention du patrimoine mondial (Unesco)

2.    Une extension de la notion de patrimoine

« Peut être considéré comme patrimoine tout objet ou ensemble, matériel ou immatériel, reconnu et approprié collectivement pour sa valeur de témoignage et de mémoire historique et méritant d’être protégé, conservé et mis en valeur » (R.Arpin (Dir.), Notre Patrimoine, un présent du passé, 2000, p. 33)

« Le patrimoine se reconnaît au fait que sa perte constitue un sacrifice et que sa conservation suppose des sacrifices » (Babelon et Chastel, La notion de Patrimoine, La Revue de l’Art, 1980)

Evolution


(1)  reliques, chartes, domaines royaux (inaliénables depuis l’ordonnance de Moulins, en 1566), et monuments intentionnels. « Par monument, au sens le plus ancien et véritablement originel du terme, on entend une œuvre créée de la main de l’homme et édifiée dans le but précis de conserver toujours présent et vivant dans la conscience des générations futures le souvenir de telle action ou telle destinée (ou des combinaisons de l’une et de l’autre) » (Riegl, A. Le culte moderne des monuments).

(2)  Le concept de monument historique apparaît en 1790 (Aubin-Louis Millin, dans son recueil d’Antiquités nationales), en // concept en Grande Bretagne. Riegl parle de Monuments artistiques et historiques, comme toute œuvre qui possède, de manière intentionnelle ou non, une valeur artistique/historique. Ceci en // Révolution française et tout ce qui est sujet à saccage : on ajoute les œuvres d’art, et monuments historiques, immobiliers et mobiliers.

(3)  Ouverture vers tous les types de patrimoine : Patrimoine naturel, Patrimoine industriel fin des années 50-60

(4)  Trésor humain vivant : « On entend par « trésor humain vivant » une personne passée maître dans la pratique de musiques, de danses, de jeux, de manifestations théâtrales et de rites ayant une valeur artistique et historique exceptionnelle dans leur pays, tels que définis dans la recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire » (UNESCO, Conseil exécutif, 142e session, 1993)

(5)  "patrimoine culturel immatériel" « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire - ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés - que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d'identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine ».



Objet de Musée ou (muséalie), Chose (vraie)

 


Chose (angl. Thing, esp. Cosa). n. f. – La chose (mot dérivé du latin causa, la cause) désigne d’une manière générale une réalité appartenant à la vie et non produite par l’homme. Le mot s’oppose à l’objet, en revanche, qui constitue une spécification de la chose comme ce qui est posé par le sujet en face de lui et différent de lui. La chose est en quelque sorte naturelle et appartient à un réseau de relations spontanées de l’homme avec le monde qui l’entoure ; son caractère est indéterminé. Le rapport que nous entretenons avec la chose est soit un rapport de sympathie, notamment dans l’animisme des sociétés dites primitives, soit un rapport d’ustensilité, comme c’est le cas de l’outil qui forme le prolongement de la main. Par opposition à la chose, l’objet, coupé de la vie, est toujours abstrait et mort, comme fermé sur lui-même. Dans cette perspective, la vraie chose (voir ce terme traduit de real thing par André Desvallées, en accord avec Duncan Cameron) constitue, en muséologie, la référence originale presque mythique, antérieure aux diverses altérations qu’elle a pu subir en devenant un objet. (Dictionnaire)

Un objet de musée est une chose muséalisée, une chose pouvant être définie comme toute espèce de réalité en général (concepts clés)

-       chose est prise dans le concret de la vie et que le rapport que nous entretenons avec elle est un rapport de sympathie ou de symbiose.
-       l’objet est toujours ce que le sujet pose en face de lui comme distinct de lui, il est donc ce qui est « en face » et différent. abstrait et mort, comme fermé sur lui-même (concepts clés)

-       Vraie : « real » ou « vraie », la notion d’authenticité et d’originalité de l’objet
-       inclut témoins matériels et concepts « immatériels », tels la démonstration de l’attraction terrestre, le mouvement de la terre (appelés kinétifacts), etc.
-       real thing, une connotation émotive « ce qui vaut la peine d’être vécu » Coca-cola est « the real thing » 
-       raison profonde pour laquelle les gens viennent au musée : non pas apprendre des connaissances ou obtenir des informations mais voir des objets agissant sur les émotions : momies, dinosaures, éléphants, fétiches, mouvement de la terre, décomposition d’un faisceau lumineux, vénus aurignacienne, Joconde, navette spatiale, avions, etc.

-       discours scientifique,
-       a-scientifique,
-       Témoignage direct : la confrontation




Muséalisation

-       Selon le sens commun : la mise au musée ou, de manière plus générale, la transformation en une sorte de musée d’un foyer de vie.

-       « D’un point de vue plus strictement muséologique, la muséalisation est l’opération tendant à extraire, physiquement et conceptuellement, une chose de son milieu naturel ou culturel d’origine et à lui donner un statut muséal, à la transformer en musealium ou muséalie, « objet de musée », soit à la faire entrer dans le champ du muséal » (concepts clés)

Le processus de muséalisation ne consiste pas à prendre un objet pour le placer au sein de l’enceinte muséale et de même, comme le résume Zbynĕk Stránský, un objet de musée n’est pas seulement un objet dans un musée.

Un tigre dans un musée est un tigre dans un musée et pas un tigre (Hudson)

-       à l’intérieur du musée, témoin matériel et immatériel de l’homme et de son environnement
-       séparation ou arrachement au contexte d’origine
-       l’objet devient substitut de la réalité qu’il représente
-       une perte d’informations
-       Ce substitut complexe, ou modèle de la réalité construit au sein du musée, constitue la muséalité, soit une valeur spécifique se dégageant des choses muséalisées.
-       La muséalisation produit de la muséalité, valeur documentant la réalité, mais qui ne constitue en aucun cas la réalité elle-même.

L’acquisition comme dispositif scientifique

Georges Henri Rivière (1897-1985)
figure emblématique de la muséologie française

Le musée comme laboratoire, la recherche au centre du dispositif

Recherches en Aubrac :
         1962 et 1986 (dernière publication).
         interdisciplinaires : géographes, botanistes, historiens, économistes, sociologues, ethnomusicologues, etc.
         Lien très fort recherche, collecte, exposition.

         Collecte menée à partir des synthèses : acquisition de plusieurs unités écologiques
         Restitution muséographique (moulage, repérages très précis, etc)

Programmation de la galerie d’étude (‘72) et de la galerie culturelle avec section Aubrac (ouverture en 1975)

Quels objets ? Pour Z. Stransky : critère de muséalité, sur base rationnelle de leur valeur documentaire de la réalité. Opposé à la subjectivité revendiquée par Bellaigue et nouvelle muséologie (ou Szeemann : la subjectivité totale comme seule base d’une objectivité réelle).

Critères Samdok (organisation documentant société suédoise) : six critères : fréquence ; innovation ; représentativité (d’une idée, valeur), attraction (appeal, associé à personne ou événement important) ; domaine (lié physiquement à autre objets) ; forme (esthétique).

Quelle part de l’objet ? ou quelle couche d’information ? propriétés 1. structurelles (matière,…) ; 2 fonctionnelles ?, 3. contexte ? 4. signification ? Souvent structurel, muséalisation implique défonctionnalisation. Ex. Collections zoologie : peau et squelette est seulement gardé. Pas toujours besoin de préserver l’objet pour préserver l’idée. Ex. le Japon et les temples ; la tradition africaine : tant que vit l’artisan ; collection d’art conceptuel où on achète l’idée

La constitution d’une collection de musée à l’aune du collectionnisme

         Une procédure (plus ou moins objective)
         Le conservateur n’est pas collectionneur, sinon pour autrui
         Quels risques
        pour la collection?
        pour le collectionneur?


Fonctions du musée

Joseph Veach Noble

         acquisition, conservation, study, interpretation, exhibition.
         1970, Museum Manifesto
         Suivi par Alexander, Burcaw, courant aux USA
         ICOM: Le musée [….] acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité) (2007)

Modèle PRC
         Preservation, Research, Communication
         Reinwardt Academie (1983)
         Maroevic, proche de Stransky (Sélection, Thésaurisation, Présentation).

Prochain cours

Peter van Mensch, museology and management
http://www.icom-portugal.org/multimedia/File/V%20Jornadas/rwa_publ_pvm_2004_1.pdf

Serge Chaumier, Les ambivalences du devenir de l’écomusée
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pumus_1164-5385_2000_num_17_1_1157